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Bonne ou mauvaise idée ? Iceberg à boire

16 janvier 2023 - Marie-Hélène Croisetière

D’immenses réservoirs d’eau douce flottent sur nos mers salées. Les icebergs pourraient-ils étancher notre soif ?

Sous l’effet du réchauffement climatique, l’Antarctique et le Groenland se fragmentent de plus en plus. Ces continents de glace forment des icebergs colossaux, faits d’une eau douce qu’on pourrait boire.

Faire fondre la soif

Un seul de ces blocs de glace serait une bénédiction s’il échouait en zone aride. Un iceberg de 30 millions de tonnes suffirait pour étancher la soif d’une ville de la taille de San Francisco, en Californie, pendant six mois. Malheureusement, les icebergs fondent longtemps avant d’atteindre les régions assoiffées.

Nous pourrions éviter ce gaspillage d’eau douce. L’idée ne date pas d’hier. L’océanographe John Isaacs écrivait en 1950 que six bateaux tirant un iceberg de 30 km pourraient effectuer le trajet Antarctique-Californie en quelques mois.

L’idée séduit. En 1977, l’Université de l’Iowa, aux États-Unis, organise même la première Conférence internationale sur l’utilisation des icebergs pour la production d’eau.

Un défi de taille

À ce jour, aucun grand remorquage n’a eu lieu. « Le défi d’ingénierie est non seulement colossal, mais aussi extrêmement coûteux », souligne Christophe Kinnard, glaciologue à l’Université du Québec à Trois-Rivières. Il admet avoir toujours trouvé l’idée un peu loufoque.

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La surchauffe climatique pourrait toutefois changer la donne. Selon l’Organisation météorologique mondiale, cinq milliards d’humains seront affectés par des pénuries d’eau d’ici 2050. La Terre ne compte que 3 % d’eau douce, dont les deux tiers sont en glace.

Babyboom climatique
L’Antarctique et le Groenland se fragmentent sous l’effet des changements climatiques. Résultat : plus d’icebergs, qui font monter le niveau des mers.

Antarctique. Ici, les icebergs sont monumentaux : des kilomètres de long et des centaines de mètres d’épaisseur. Les courants de la région les empêchent toutefois de prendre le large.

Groenland. Plus petits, les icebergs groenlandais voguent sur les mers. Ceux qu’on aperçoit au large de Terre-Neuve ont pris quelques jours ou semaines à s’y rendre. Le mouvement de l’eau leur donne des formes variées et asymétriques.

Le projet en eaux troubles

Les icebergs pourraient faire partie de la solution. Il faudrait toutefois résoudre l’épineux problème du transport. Les icebergs se forment aux pôles Nord et Sud, à mille lieues des zones arides, notamment les tropiques.

Leur remorquage nécessiterait une capacité de traction titanesque. Tant que les bateaux utiliseront principalement des énergies non renouvelables, cette opération impliquera l’émission de GES. Résultat : on accélérerait la surchauffe climatique, et donc les sécheresses, et puis le besoin en eau.

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Par le trou du pipeline

Une solution plus logique serait de transporter les icebergs sur les rives les plus proches, de les faire fondre dans des réservoirs, puis de les acheminer par pipeline vers le sud.

Au Canada, Terre-Neuve serait probablement une candidate de premier choix. Du printemps jusqu’au début de l’été, des centaines de blocs de glace défilent dans l’Iceberg Alley, près de la côte.

Une escale à Terre-Neuve

Les icebergs constituent d’ailleurs un élément culturel fort pour la population terre-neuvienne. Ils sont plusieurs à s’aventurer en motomarines pour récolter de petits morceaux de cette glace vieille de 20 000 ans. Traditionnellement, on en offrait même aux convives en signe d’hospitalité.

Depuis une vingtaine d’années, le nombre d’icebergs a doublé dans l’Iceberg Alley, passant de 500 à 1 000 par année. La récolte s’est professionnalisée. Jusqu’à 200 « chasseurs d’icebergs » naviguent sur des bateaux équipés de pinces géantes qui croquent dans la glace et la déposent dans un réservoir d’acier inoxydable. Pour un gros iceberg, la récolte peut prendre un mois.

L’eau, d’une pureté inégalée, constitue un atout marketing indéniable. On l’utilise dans des vodkas, de la bière, des cosmétiques. Des journaux rapportent que certaines bouteilles se vendent 950 $ dans des établissements huppés.

Pour l’instant, on parle surtout d’une industrie nichée, plus proche du marketing de luxe que d’une réelle source d’eau potable. Mais les choses pourraient changer. La province encadre dorénavant la récolte en exigeant un permis et en imposant une taxe. Ne récolte plus les icebergs qui veut !

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